Ma parole est rare, et je ne sors ma plume que pour dénoncer une injustice, rétablir une vérité ou encore lever une équivoque relative à l’honorabilité d’une personne. Cela fait plusieurs années que je dénonce des injustices commises par les régimes successifs au Sénégal, dont celui récent du Président Macky Sall.
Avec l’accession au pouvoir de jeunes dirigeants dont le parcours politique a été jalonné d’obstacles, en partie relatifs à l’instrumentalisation de la justice; mon soulagement a été grand du fait d’un immense espoir de voir enfin régner une justice équitable et indépendante au Sénégal.
Or, depuis cet évènement historique salué par le monde entier et ayant redoré le blason du Sénégal en matière de démocratie, il ressort des premiers actes posés que l’espoir fait place de plus en plus à l’inquiétude. J’ai le sentiment que les victimes d’hier, tendent à devenir les bourreaux d’aujourd’hui. Cette tendance est très inquiétante au regard du lourd tribut de morts et de blessés récemment, pour le rétablissement de l’Etat de droit et de la séparation des pouvoirs. La faiblesse de notre économie, l’attachement du peuple sénégalais à la paix et la concorde sociale, n’autorisent pas une installation dans le cercle vicieux de la vengeance aveugle. L’attente du peuple sénégalais est située ailleurs et l’idéal d’une justice impartiale, dégagée de toute intrusion du politique en constitue le socle.
L’affaire Doro Gaye est le prétexte qui me permet aujourd’hui de réitérer ma profonde préoccupation. Ce chef d’entreprise qui est connu à travers le pays par ses actions en faveur de la stabilité et de la paix sociale, apprécié tant par les populations les plus démunies que par les différents foyers religieux (musulmans comme catholiques) et coutumiers, est offert à la vindicte populaire sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui, s’agissant de la gestion de deniers publics ou d’une quelconque responsabilité étatique.
Monsieur Doro Gaye est en procédure judiciaire, suite à la plainte d’un particulier et partenaire d’affaires. Il a fourni toutes les explications attendues et n’a pas cherché à nier les faits qui lui sont reprochés. N’est-ce pas là une première preuve de bonne foi ? Il a fait une proposition raisonnable, au regard de la jurisprudence habituelle. En l’espèce, il accepte de faire une avance de 300 millions de francs CFA et de régler le reste de la somme d’un peu plus d’un milliard due, selon un moratoire qui ne dépasse pas deux mois. Dès lors que la partie civile a accepté cette médiation pénale, la sagesse aurait voulu que l’on s’empêchât de mettre Monsieur Doro Gaye en détention.
En effet, le trouble à l’ordre public qui pourrait émaner de ce que Monsieur Doro Gaye soit libre sans des engagements sérieux et des garanties suffisantes est écarté du fait de l’accord de la partie civile.
Aussi, en matière de garantie de représentation, Monsieur Doro Gaye est chef d’entreprise bien établi au Sénégal où réside sa famille proche et élargie. Il y a tous ses biens et toutes ses attaches. Il n’a donc pas un intérêt particulier à quitter de manière définitive ce pays ou à ne pas déférer à une quelconque convocation de la justice (j’avais défendu exactement la même position dans certaines affaires pour lesquelles des politiques ont été mis en détention alors qu’ils présentaient des garanties de représentation suffisantes : l’actuel Président de la République son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Faye, Monsieur Pape Alé Niang, Monsieur El Malick N’diaye, etc.).
La détention est, et doit rester une exception. La liberté est la règle. Dans cette présente affaire, il est évident que la liberté de Monsieur Doro Gaye est plus efficiente que sa mise en détention (il faut être libre de ses mouvements pour rassembler le reliquat à payer, entre autres raisons). S’il doit demeurer en détention, qu’il le soit pour des questions strictement de droit ! La proximité avec un ancien Président de la République n’est un pas un délit dans le code pénal sénégalais.
Par ailleurs, l’intéressé aurait fourni son dossier médical qui doit être un élément significatif dans le cadre de l’appréciation de l’opportunité de la mise en liberté provisoire. Il s’agit là d’une question de droits humains à laquelle je sensibilise les organismes de défense de ces dits droits.
Il convient également de relever que l’économie sénégalaise a besoin de ces entrepreneurs qui contribuent à résorber le chômage endémique des jeunes et à limiter les départs périlleux dans le cadre de l’émigration clandestine. Le contexte social actuel assez tendu et le besoin d’apaisement propice à la mise en place des mesures gouvernementales, devraient conduire à plus de sagesse. Monsieur Doro Gaye, au-delà de son statut de chef d’entreprises, pourvoient aux besoins d’un très grand nombre de sénégalais, de Dakar aux plus petits villages de la Casamance. C’est un homme courtois, respectueux, équidistant et d’une très grande pudeur.
Enfin, si tant est qu’il existe un besoin de le rappeler, la justice aura ne nombreuses occasions de démontrer qu’elle fait son travail avec plus de rigueur. Il n’est donc pas opportun de s’acharner sur un chef d’entreprises, pourvoyeur d’emplois pour un certain nombre de jeunes sénégalais et qui réinvestit une bonne partie de ses bénéfices dans des causes sociales bien identifiées. Le nombre de personnes ayant été citées dans des rapports des corps de contrôle sont légion. C’est là où l’attente populaire est la plus considérable. Les affaires entre particuliers doivent rester sur le champ privé, sinon un précédent dangereux risque d’être créé. Combattre l’injustice par une injustice sonne comme un paradoxe et il est de mon devoir, en qualité de citoyen sénégalais, par ailleurs opposant à l’ancien régime du Président Macky Sall, de le dénoncer car comme le disait si bien Emile Durkheim : « Si chercher le paradoxe est d’un sophiste, le fuir quand il est imposé par les faits est d’un esprit sans courage ou sans foi… ».
Monsieur Cheikh Diouf, analyste et observateur politique, citoyen sénégalais.i
Poster un Commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.