Propos recueillis par Abdoulaye KAMARA (Correspondant à Vélingara) – Depuis 8 ans, Aliou Diao est dans la diplomatie. D’abord au Maroc, pendant 7 ans, comme vice-consul, puis à Bordeaux. En plus d’avoir vécu auparavant en Espagne pendant près de 30 ans. Un vécu qui autorise ce nouvel Consul général du Sénégal à Barcelone (Espagne), à maîtriser les questions migratoires et avoir plein de notes relatives à des aventures et mésaventures de migrants.
Comment accueillez-vous cette nouvelle nomination comme Consul général du Sénégal à Barcelone en Espagne, une région (la Catalogne) qui accueille une forte colonie de migrants sénégalais ?
J’ai vécu pendant 30 ans en Espagne et j’ai consacré 25 ans à travailler dans le monde des migrations, dans des organisations qui s’occupent de l’intégration des migrants, sénégalais surtout, en Espagne. Je connais particulièrement les défis des migrants dans la zone de la Catalogne où est implanté le nouveau Consulat général du Sénégal. Je sais que le terrain des migrations est très compliqué, très difficile. Avec le développement des réseaux sociaux, tout est politisé. Nous avons une diaspora très politique, mais aussi très consciente des enjeux de l’heure, des mutations diverses du monde, de la complexité des problèmes qu’ils vivent ; problèmes liés à l’obtention de documents administratifs divers. J’ai eu à travailler sur des questions du genre «comment faire en sorte que la diaspora soit une opportunité de développement pour le Sénégal ? Comment tirer le potentiel qu’elle recèle pour le développement du Sénégal ?». Ce n’est pas facile, parce que la diaspora est une communauté diverse, composite.
Qu’est-ce qui rend si difficile l’intégration des migrants dans les pays d’accueil, en Europe surtout ?
Il faut dire que les pays développés de l’Europe se sont subitement retrouvés avec une immigration massive, à laquelle ils ne s’attendaient pas. Ce qui a désarticulé les politiques migratoires locales, parce que les migrations étaient désordonnées, difficiles à gérer dans leur essence, difficiles à intégrer. Les communautés de migrants sont diverses, composites, confrontées à des problèmes de survie, avec des profils différents. Dans ce contexte, il est difficile de trouver des critères homogènes d’intégration, de trouver une politique adéquate pour tous.
Au même moment, les communautés autochtones sont confrontées à des problèmes de survie. L’Europe commence aussi à avoir des problèmes de développement. Ça pose problème pour les questions d’intégration, de travail, de syndicalisme, de religion et de culture. Plus il y a des problèmes dans les sociétés d’accueil, plus l’étranger est mal vu. Et les aspects culturels, les aspects de comportement commencent à surgir, à devenir des problèmes. Il faut trouver un bouc émissaire, et c’est l’étranger. Les autochtones ne s’interrogent pas assez sur la nature des politiques sociales menées par leur gouvernement, ils lient l’origine de leurs difficultés à l’étranger qui travaille à leur place. Et puis, il y a une évolution dans les rapports sociaux qui ne sont pas toujours favorables aux migrants : des pays comme l’Espagne où la Droite fasciste est revenue pour prendre place dans les instances de décision à travers des partis politiques ouvertement contre l’émigration clandestine ; l’Extrême-droite est en train de gagner du terrain dans les pays d’accueil. Tout cela rend difficile l’intégration des migrants en Europe.
Je crois que la gestion des flux migratoires doit se faire dans le cadre d’une collaboration franche entre pays de départ et pays d’accueil.
Quels conseils donneriez-vous aux candidats à l’émigration clandestine ?
Si nous voulons des migrants efficaces, des migrants productifs, rentables parce que conscients de leur rôle dans le développement de leur pays, les candidats au départ doivent être des jeunes préparés, des jeunes formés à des métiers fondamentalement recherchés dans les pays développés. Quand on migre sans formation, sans connaissances pratiques, on est voué à l’exploitation. On est très peu efficace pour son pays. On peut gagner de l’argent sans savoir quoi en faire, sans savoir comment construire des projets pour le développement de son pays. Il faut que les migrants, de plus en plus, soient aidés à investir dans le secteur productif. Ce qui pourrait, à long terme, fermer le cycle des migrations désordonnées. Pour cela, il faut que les migrants qui ont une capacité d’investissement aient un minimum de formation pour voir les niches d’investissement rentables au pays.
Vous avez vécu pendant 7 ans au Maroc, en charge des affaires consulaires, avez-vous des histoires de migrants, en transit, à raconter ?
Ce qui m’a le plus révolté dans mon séjour au Maroc, c’est de voir des jeunes, une horde de jeunes, qui vous disent : «J’avais tout, j’avais mon boulot, une petite entreprise, je parvenais à subvenir aux besoins de ma famille et je suis parti sans savoir pourquoi.» Des jeunes qui, finalement, sont totalement dans le désespoir, dans le dénuement, qui ont tout perdu, parce qu’il y a des gens qui profitent de ce rêve d’eldorado des autres, des opportunistes qui font beaucoup de mal. J’ai rencontré des jeunes dans cette situation, des gens qui meurent devant vous de maladie bénigne, des jeunes qui ne veulent plus revenir, qui préfèrent se laisser mourir que de rentrer chez eux. J’ai vu des instituteurs tenter cette émigration clandestine, des diplômés du supérieur qui n’ont pas fait l’effort de chercher un boulot, des agents de santé, etc. Je n’ai travaillé que dans la douleur pendant mon long séjour au Maroc. Les réseaux sont organisés de telle sorte que quand on détecte ici des gens prêts au voyage sans intelligence de voyage, car pour voyager il faut une certaine intelligence de voyage, le jour-même de leur arrivée, ils se retrouvent dans le dénuement parce que quelqu’un les a mis dans un appartement et s’est enfui avec tout leur argent. Des gens qui meurent de faim, des gens qui ne pouvaient même pas tuer une poule, mais qui en tuent parce qu’ils sont dans le désespoir. Le moment le plus douloureux de mon séjour au Maroc est l’enterrement de mon propre neveu, le fils de mon propre frère. Qui était en phase de décomposition, que je ne pouvais pas ramener au pays. C’est douloureux. J’ai enterré des gens en décomposition. J’ai hébergé des malades mentaux, dans cet état à cause de la souffrance physique et psychique. Des malades paralysés, sans aucun contact avec leurs familles. J’ai assisté une personne paralysée chez moi, que je transportais dans les toilettes moi-même…
Le Sénégal est entré en campagne pour l’élection du futur chef de l’Etat, quel doit être, selon vous, le profil du futur élu ?
Le Sénégal entre dans une ère de prospérité. Nous avons besoin, pas seulement de techniciens, mais surtout de leaders avec une vison construite, qui peuvent apporter pour le Sénégal des idées par rapport au renforcement de sa démocratie, qui peuvent, dans la mesure du possible, reprendre le chemin déjà tracé, l’améliorer, parce que nous sommes sur le bon chemin, économiquement. Nous avons besoin de quelqu’un qui peut travailler à renforcer cela, à mieux structurer cette vison-là, la partager, la généraliser sur l’ensemble des segments de la population, pour que chacun ait la conscience que nous devons aller vers un avenir déjà tracé. Nous n’avons pas besoin de confier notre pays à des personnes qui n’ont pas une expérience de gestion de l’Etat. Nous avons besoin d’institutions fortes, mais aussi de leaders affirmés.
Le profil de Amadou Ba est bon pour notre pays. Je suis persuadé que Macky Sall a compris que l’avenir du Sénégal, sur la voie qu’il a tracée, ne peut être réalisé que si nous avons un homme qui lui ressemble. Celui qui lui ressemble dans la rigueur, dans l’amour du pays, dans la connaissance de l’Etat, c’est Amadou Ba. En tant militants de Bby, notre devoir, c’est d’appuyer ce choix dans la générosité. Il fait travailler à cela, ici et dans la diaspora.
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