Marie Khone et Absa : Situation inédite, deux Premières dames au palais présidentiel

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A quelques minutes seulement de la fin de la campagne présidentielle au Sénégal, Bassirou Diomaye Faye s’avance d’un pas mesuré sur une tribune en tenant la main de ses deux épouses, Marie et Absa. Une scène jamais vue dans l’espace politique national.

Applaudi par des milliers de sympathisants en liesse, le candidat de la rupture et du panafricanisme a fait le choix d’afficher ouvertement sa polygamie, une pratique traditionnelle et religieuse solidement ancrée dans la culture sénégalaise, avant son élection triomphante dès le premier tour du scrutin avec 54,28% des voix.
Méconnues jusque-là, Marie Khone, la première femme qu’il a épousée il y a quinze ans et avec laquelle il a 4 enfants, est originaire du même village que lui. Il s’est marié à la seconde, Absa, il y a un peu plus d’un an.
« C’est une consécration de la tradition de la polygamie au sommet de l’Etat avec une situation qui va coller à la réalité sénégalaise », estime le sociologue Djiby Diakhaté, ajoutant que cette pratique est « plébiscitée » par beaucoup d’hommes mais que de nombreuses femmes demeurent « méfiantes » sur les principes la régissant.
La polygamie est depuis longtemps sujet à controverse dans ce pays composé de plus 90% de musulmans mais l’apparition publique de « BDF » entouré de ses deux épouses a replacé le sujet au cœur des débats, dans les médias, sur les réseaux sociaux et au sein des ménages suscitant diverses réactions.
Une sociologue réputée Fatou Sow Sarr a de son côté posté sur X que « la polygamie, la monogamie, la polyandrie sont des modèles matrimoniaux déterminés par l’histoire de chaque peuple ». Avant de publier rapidement un autre message sur le même réseau social: « ma pensée, profondément, est que l’Occident n’a aucune légitimité pour juger nos cultures ».
Toutefois nombre de femmes au Sénégal se disent contre cette pratique, qu’elles jugent hypocrite et injuste à leur égard. Et la commission de l’ONU pour les droits de l’Homme a jugé dans un rapport publié en 2022 que la polygamie constitue une discrimination vis-à-vis des femmes qui doit être éradiquée.
 « Maîtresse d’un homme marié »
Une des figures de la littérature sénégalaise, Mariama Ba critiquait déjà sévèrement la polygamie dans son célèbre roman « Une si longue lettre » paru en 1979.
Elle y dépeint la douleur et la solitude d’une femme mariée après le second mariage de son mari avec une très jeune femme contrainte d’accepter cette union, une situation difficile vécue par de nombreuses Sénégalaises.
Plusieurs séries sénégalaises à succès consacrées à cette thématique ces dernières années comme « Maîtresse d’un homme marié » ou bien encore « Polygamie » ont mis en lumière les soubresauts et les tensions au sein des familles confrontées à la polygamie.
Pour l’ex-ministre de la Culture, la professeure d’histoire Penda Mbow, la nouvelle situation au palais présidentiel « est totalement inédite. Jusqu’à présent, il n’y avait donc qu’une seule Première dame. Cela signifie que tout le protocole doit être revu ».
Pratique religieuse et traditionnelle répandue au Sénégal notamment dans le monde rural, la polygamie est adoptée par un bon nombre de Sénégalais qui y voient généralement une façon d’élargir leur famille. La religion musulmane autorise en outre l’homme à épouser jusqu’à quatre femmes s’il en a les moyens.
En pareil cas, l’islam prévoit des jours d’alternance égaux entre les différentes coépouses pouvant varier entre deux ou trois jours.
« signal fort »Si elle est difficile à chiffrer car beaucoup de mariages ne sont pas enregistrés, 32,5% des Sénégalais mariés vivent en union polygame, selon un rapport en 2013 de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie.
L’âge moyen de la polygamie est de 43,9 ans avec une entrée plus précoce des femmes (40,4 ans) que des hommes (52,9 ans), ajoute le rapport.
Pour le sociologue Djiby Diakhaté, M. Faye a lancé un « signal fort pour que les autres hommes assument également leur polygamie, et pour qu’ils fassent preuve de transparence comme lui » avec « sans doute une volonté de mettre fin à la pratique de la polygamie cachée, appelée le « Takou Souf » (en wolof), ce qui, selon lui, « sera une bonne chose pour l’économie du pays et pour la situation matrimoniale ».
En réponse à ses détracteurs, le nouveau président sénégalais, lui, assume totalement sa polygamie.
« J’ai de beaux enfants parce que j’ai de formidables épouses. Elles sont très belles. Et je rends grâce à Dieu elles sont toujours à fond derrière moi », a-t-il déclaré lors de la campagne présidentielle.

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