La Chambre américaine des représentants a adopté mercredi une proposition de loi qui prévoit l’interdiction de TikTok aux États-Unis si le réseau social ne coupe pas les liens avec sa maison mère, ByteDance, et plus largement avec la Chine.
C’est un développement majeur pour la plateforme, qui ne semblait pas menacée il y a encore quelques jours, même si l’issue du vote à venir au Sénat reste incertaine.
TikTok est depuis plusieurs mois dans le collimateur des autorités américaines, de nombreux responsables estimant que la plateforme de vidéos courtes et divertissantes permet à Pékin d’espionner et de manipuler ses 170 millions d’utilisateurs aux États-Unis.
La société a nié, à plusieurs reprises, avoir transmis des informations aux autorités chinoises et assuré qu’elle refuserait toute requête éventuelle en ce sens.
Le texte de loi, adopté à une large majorité de 352 voix sur 432 élus, « n’interdit pas TikTok », a fait valoir le chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, qui a voté en faveur de la proposition.
« Il vise à solutionner des questions légitimes de sécurité nationale et de protection des données liées aux rapports du Parti communiste chinois avec un réseau social », a-t-il expliqué dans un communiqué.
« Laisser TikTok continuer à opérer aux États-Unis alors qu’il est sous le contrôle du Parti communiste chinois est simplement inacceptable », a commenté l’ancien vice-président républicain Mike Pence dans un communiqué.
En amont du vote, la Chine avait fait savoir qu’une interdiction saperait « la confiance des investisseurs internationaux » et reviendrait, pour la première puissance mondiale, à « se tirer une balle dans le pied », selon un porte-parole de la diplomatie chinoise, fustigeant les « intimidations » à l’encontre de TikTok.
Le sort du projet de loi est incertain au Sénat, où des personnalités de premier plan s’opposent à une mesure aussi radicale à l’encontre d’une application extrêmement populaire.
Le président américain Joe Biden a déclaré qu’en cas d’adoption au Sénat, il promulguerait ce texte connu officiellement sous le nom de « Protecting Americans from Foreign Adversary Controlled Applications Act » (« loi sur la protection des Américains contre les applications contrôlées par des adversaires étrangers »).
La proposition de loi obligerait ByteDance, la société-mère de TikTok, à vendre l’application dans un délai de 180 jours, faute de quoi elle serait exclue des boutiques d’applications d’Apple et de Google aux États-Unis.
Elle donnerait également au président américain le pouvoir de désigner d’autres applications comme une menace pour la sécurité nationale si elles sont contrôlées par un pays considéré comme hostile aux États-Unis.
– Liberté d’expression –
Plusieurs États et le gouvernement fédéral ont interdit l’utilisation de l’application sur les appareils officiels des fonctionnaires, invoquant des risques pour la sécurité nationale.
La reprise de l’offensive de Washington contre TikTok a surpris l’entreprise, selon le Wall Street Journal. Les dirigeants de TikTok avaient pourtant été rassurés par l’arrivée le mois dernier sur la plateforme de Joe Biden dans le cadre de sa campagne pour un second mandat.
Le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, se trouve à Washington, où il tente d’obtenir des soutiens pour bloquer le projet de loi.
« Cette dernière législation, adoptée à une vitesse sans précédent sans même avoir bénéficié d’une audience publique, pose de sérieux problèmes constitutionnels », a écrit Michael Beckerman, vice-président de TikTok chargé de la politique publique, dans une lettre adressée aux défenseurs du projet de loi dont l’AFP a pris connaissance.
L’ancien président américain Donald Trump (2017-2021) a opéré un revirement en affirmant lundi qu’il était opposé à une interdiction, principalement parce qu’elle renforcerait Meta, le propriétaire d’Instagram et de Facebook, qu’il a qualifié d' »ennemi du peuple ».
En 2020, le promoteur immobilier, alors président des États-Unis, avait tenté d’arracher le contrôle de TikTok à ByteDance avant d’en être empêché par les tribunaux américains.
M. Trump a réfuté les accusations selon lesquelles il aurait changé de discours parce qu’un investisseur majeur de TikTok, Jeff Yass, avait menacé de ne plus contribuer au financement de campagnes électorales de républicains.
D’autres tentatives d’interdiction de TikTok ont également échoué, un projet de loi proposé il y a un an n’ayant pas abouti, principalement en raison de préoccupations liées à la liberté d’expression.
Quant à la proposition actuelle, « c’est un texte trop général, qui ne va pas résister à l’examen du premier amendement » à la Constitution américaine, qui garantit la liberté d’expression, a réagi l’élu démocrate à la Chambre Ro Khanna.
Une loi adoptée en mai par l’État du Montana (nord-ouest) pour interdire la plateforme avait été suspendue par un tribunal fédéral en novembre au motif qu’elle violait les droits constitutionnels en matière de liberté d’expression.
« L’autre problème est que beaucoup de gens gagnent leur vie avec cette plateforme » aux États-Unis, a ajouté Ro Khanna devant des journalistes.
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